mercredi 16 novembre 2011

Après l'épilation intégrale.

Source : M.I.E.L.




Nos campagnes contre l'épilation sont au coeur de notre combat pour la liberté sexuelle, liberté d'autant plus menacée dans nos "démocraties libérales" que la répression en la matière repose sur l'illusion de la liberté. Ce qui semble servir la liberté sexuelle (pornographieetc.) se conçoit en fait comme outil d'une répression croissante. Ainsi en est-il de la soit-disant liberté de s'épiler, quand il est devenu impensable pour une femme de montrer ses poils.
La norme de l'épilation - d'abord exclusivement féminine, puis depuis quelques années également masculine - n'a eu de cesse de s'étendre pour coloniser de plus en plus de morceaux du corps. Avec l'épilation intégrale (voire définitive) elle atteint ses limites. Pourtant l'infantilisation du corps des femmes adultes ne va pas s'arrêter là. En effet la chirurgie esthétique prend le relais, en proposant l'ablation de tout ce qui dépasse de la fente vulvaire (des grandes lèvres).
L'épilation génitale intégrale a en effet dévoilé la vulve et les replis de chair qui - chez environ les deux tiers des femmes, selon le sexologue Gérard Zwang - dépassent de la fente des grandes lèvres. Ces replis dépassant sont constituées des nymphes (ou petites lèvres) et éventuellement du capuchon clitoridien. Ces chairs se développent à la puberté et sont spécifiques - tout comme le poil et les odeurs génitales - du sexe dans son état adulte. Voici donc maintenant ces nymphes décrétées "inesthétiques" par les profiteurs de la chirurgie esthétique et leurs vecteurs publicitaires médiatiques (magazines féminins, etc.), afin de promouvoir cette opération de labiaplastie (ou nymphoplastie). 
Au delà de l'intérêt financier immédiat, ce mouvement vers l'infantilisation et l'effacement du sexe féminin s'inscrit dans la longue tradition patriarcale de soumission et de domestication des femmes et de rejet de l'animalité. Depuis 25 siècles en effet la représentation réaliste du sexe féminin est bannie, aussi bien dans l'art que dans les manuels d'anatomie. L'origine du monde de Gustave Courbet ne reste-t-elle pas encore aujourd'hui une oeuvre choquante ? Comment, dans ces conditions, les femmes peuvent-elles percevoir leur propre sexe ? Laid, sale, malodorant, très éloigné de la vulve modèle, de la représentation normative privilégiée du sexe féminin : le sexe de la petite fille. En somme, l'offre esthétique viendrait légitimer une demande initialement inavouable. 
De nos jours, dans les dites "démocraties libérales", ce type d'atteintes à l'intégrité physique et sexuelle (épilation, circoncision, etc.), se donne pour justification l'hygiène et/ou l'esthétique. Le propre de l'idéologie libérale étant de dissimuler les réalités (ex : répression, oligarchie) derrière des mots qui en signifient l'opposé (ex : liberté, démocratie).
Mais il y a quelques dizaines d'années, lorsque la pudibonderie et la répression sexuelle étaient moralement admises et médicalement légitimées, les choses étaient exprimées franchement. 
Par exemple, voici les mesures pronées pour lutter contre la masturbation, à la fin du XIXe siècle, par John Harvey Kellogg, médecin et « inventeur des corn flakes », (de telles pratiques ont subsistées dans les pays anglo-saxons jusque dans les années 1960) :
« Un remède presque toujours efficace contre la masturbation chez les jeunes garçons est la circoncision. L’opération doit être faite par un chirurgien sans anesthésie, car la brève douleur subie pendant l' opération a un effet salutaire sur l’esprit, surtout si elle est associée à l’idée de punition. Pour ce qui est des filles, l’auteur a découvert que l’application de phénol pur sur le clitoris était un excellent moyen de maîtriser l’excitation anormale. » (NDT : Les brûlures au phénol sont très douloureuses et longues à guérir.)
Traduit de John Harvey Kellogg, M.D. Treatment for Self-Abuse and its Effects, 1888, p. 295.
Source : Wikipedia, article circoncision.
La réduction, voire l'ablation, des nymphes s'inscrit bien dans cette tradition de répression sexuelle. Passons sur les risques et inconvénients d'une telle intervention chirurgicale. Elle constitue bel et bien une mutilation sexuelle.
L'aboutissement ultime de cette évolution est une pratique de soumission des femmes bien connue et encore largement pratiquée de par le monde : l'excision. 
Gérard Zwang, l'un des pionniers de la sexologie française, vient de publier "Le remodelage de la vulve. L’exploitation d’une ignorance", dans la revue Sexologies, Volume 20, Issue 2, Avril-Juin 2011, Pages 81-87. Le résumé (et pour les abonnés le texte intégral) est disponible sur le site de l'éditeur ou dans la base de données ScienceDirect
Cette vidéo australienne établi le lien entre cette nouvelle demande et la censure des magazines érotiques (soft porn) : les vulves y sont rendues "décentes" en retravaillant les images sur ordinateur. Diffusant ainsi une fausse idée de la "normalité".
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Il est indéniable que de telles pratiques sont inadmissibles.
Si une légère nymphoplastie peut aider à résoudre un complexe physique, il n'en reste pas moins que cette pratique devrait être réservée uniquement à certains cas d'hypertrophie des petites lèvres. Mais cette pratique qui se généralise dans les magazines et le porno grâce aux retouches numériques poussent les modèles et actrices porno à réaliser cette retouche pour de vrai. Il va s'en dire que cette image du sexe féminin aseptisé engendre des complexes qui n'ont pas lieu d'êtres, et c'est bien triste.

2 commentaires:

  1. Au final le truc qui m'a interpellé dans l'affaire c'est qu'avec "Pourtant l'infantilisation du corps des femmes adultes ne va pas s'arrêter là." tous les mecs/femmes qui sont pour l'épilation/... sont des pédophiles. Ce qui me fait croire qu'on essaie quand même vachement de nous faire rentrer une idée par le mauvais trou et sans vaseline.

    Mais bon à côté de ça, ça montre qu'on nous a bien appris à se plier aux pressions/exigeances sociales.

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  2. Ça ne veut pas dire que les gens auront envie de violer une petite fille / un petit garçon, ça veut surtout dire qu'un homme pro-épilation va trouver plus beau une femme sans poil (sans forcement s’apercevoir du lien avec la prépuberté) plutôt qu'une femme naturelle et donc pourvu de poils, au moins sur le pubis. C'est justement ce travail sur l'inconscient des gens qui est dangereux, ça ne fait pas d'eux des pédophiles, mais y'a pas à tortiller du cul pour chier droit, ça dénature dangereusement le corps de la femme adulte pour en faire officielle un corps prépubère (maigreur qui efface les formes et pas de poil)...

    N' y a-t-il donc pas un problème quelque part dans la façon dont la mode a remodelée les goûts des hommes (et des femmes) ?

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